Nous pensions avoir entendu et écrit suffisamment de choses1,2 au sujet du différend entre Nancy Olivieri, Apotex, l'Hôpital pour enfants malades (HEM) et l'Université de Toronto lorsque le deuxième rapport sur cette affaire inconvenante a été publié en juillet 2001. Commandé par l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, entité loin d'être moins désintéressée que l'HEM et qui a chargé Arnold Naimark de préparer un rapport sur l'affaire en 1998, le rapport Thompson de 540 pages a circulé dans le bureau pendant un certain temps. Nous avons songé à l'utiliser comme butoir de porte. L'UT et l'HEM l'ont tous deux rejeté en affirmant que ces questions étaient choses du passé3,4. Cette réponse n'a pas satisfait tout le monde, comme Elaine Gibson et ses collaborateurs l'indiquent clairement dans ce numéro (page 448)5.
Comme le décrit David Naylor, doyen de médecine (page 453)6, l'UT a poursuivi dans la voie irréprochable d'une vérification interne des contrats de recherche commanditée par l'industrie. Après une pause de 6 mois, Naimark et ses collaborateurs ont formulé des commentaires abondants mais plutôt inutiles sur le rapport Thompson, principalement pour dire que les 2 rapports avaient des objectifs différents7. Ni l'HEM ni l'UT n'ont participé au rapport Thompson. Nancy Olivieri et ses partisans n'ont pas participé non plus à l'étude Naimark. Les résultats polarisés de ces enquêtes, séparés par une zone interdite de renseignements contestés et d'atteintes à la réputation, démontrent l'évidence : il aurait fallu confier l'enquête à un tiers dont le désintéressement aurait été à la fois réel et évident.
Au Danemark, l'enquête aurait pu être confiée au Comité danois de la malhonnêteté scientifique, présidé par un juge de la cour supérieure et constitué de représentants des milieux universitaires, du secteur public, d'instituts de recherche financés par le secteur public et de la profession médicale. Il nous faut un tel organisme au Canada. En novembre dernier, le JAMC et les Instituts de recherche en santé du Canada ont parrainé une réunion de rédacteurs de journaux scientifiques canadiens critiqués par des pairs et publiés dans le domaine de la santé afin de discuter de l'éthique de la publication (voir www.amc.ca/cmaj-f/publicationethics). Les rédacteurs de plus de 20 journaux ont décidé de conjuguer leurs efforts pour promouvoir, par l'éducation des stagiaires en recherche, un comportement plus respectueux de l'éthique dans les milieux de la recherche et pour chercher à établir au Canada un tel organisme national sur l'inconduite en recherche (et en rédaction).
Olivieri a été décrite dans les médias comme une David féminine affrontant un Goliath tricéphale, portant sur son bouclier le blason de la «liberté universitaire». Le thème est intéressant, même si l'intrigue est devenue assommante, mais il est insatisfaisant de constater que l'existence du personnage central de l'histoire, le sujet qui participe volontairement à des recherches, est surtout sous-entendue. La sécurité des patients qui participent à des études cliniques, la validité des résultats scientifiques, la transparence des intérêts acquis et, bien entendu, la liberté universitaire, sont de grandes questions d'intérêt public plus importantes que la réputation de personnes et de leur établissement. Si une telle affaire devait éclater demain, un organisme national chargé des cas d'inconduite en recherche comme celui que proposent les rédacteurs ne servirait-il pas mieux les intérêts des patients, des sujets de recherche et de la population? — JAMC