La surveillance postcommercialisation des médicaments : ce qu'il faudrait pour obtenir des résultats ====================================================================================================== Les effets indésirables des médicaments sont une cause importante de maladies graves et de décès1,2. Nous prenons toutefois connaissance très lentement de nouveaux événements indésirables, longtemps après que les médicaments sont prescrits à grande échelle. Même lorsqu'on découvre de graves interactions médicamenteuses, les médecins, les pharmaciens et les patients semblent toujours ne pas être au courant3. Les problèmes de détection se posent principalement à cause de la rareté de ces événements. Il faut un système de surveillance très sensible pour les détecter — tâche énorme pour un système de déclaration volontaire comme celui du Canada. Les obstacles psychologiques et comportementaux à la déclaration ne sont pas difficiles à imaginer. On pourrait s'attendre à ce qu'un événement indésirable ne soit signalé que si le médecin est suffisamment convaincu que la réaction a été causée par un médicament, juge qu'il vaut la peine de signaler l'événement, a le temps de le déclarer et, selon les circonstances, est prêt à admettre une erreur ou à signaler celle d'un collègue. Le contexte de travail du médecin doit aussi appuyer la déclaration franche des événements indésirables. Nous nous sommes sentis obligés de revoir ce qui n'a pas fonctionné dans le cas du cisapride4 (page 1370), médicament comportant des contre-indications connues et causant des effets cardiotoxiques qu'on a incriminés dans 105 décès survenus au Canada et aux États-Unis. Le cas du cisapride démontre que le système de déclaration n'agit pas suffisamment sur le comportement des prescripteurs, mais il indique aussi des raisons plus diffuses de l'échec de la surveillance postcommercialisation. Lorsqu'on a recueilli des données sur un événement indésirable grave, Santé Canada décide s'il y a un lien de cause à effet entre l'événement et le médicament. Le ministère sollicite la collaboration du fabricant, relation qui repose davantage sur la collégialité que sur la confrontation5. Nous sommes à l'ère des «partenariats». C'est le fabricant du médicament, et non Santé Canada, qui publie la lettre «Monsieur, Madame, Docteur», confirmant ainsi qu'il participe consciencieusement à la surveillance postcommercialisation. Pourquoi compter sur un système où les mesures visant à améliorer la sécurité des patients risquent d'entrer en conflit avec les intérêts du fabriquant? Même dans l'optique de Santé Canada, il existe une tension naturelle entre le but qui consiste à rendre les médicaments utiles disponibles le plus rapidement possible et le besoin d'agir avec suffisamment de prudence pour assurer que ces médicaments ne causent aucun préjudice. Nous ne demandons pas à l'industrie de l'aviation et à ses organismes fédéraux de réglementation d'enquêter sur les écrasements d'avion : une agence indépendante se charge de cette tâche importante. Le moment est peut-être venu de créer une agence parallèle, indépendante des sociétés pharmaceutiques et de Santé Canada, qui serait chargée de surveiller les effets indésirables des médicaments, d'enquêter et de diffuser l'information à ce sujet. L'organisme enquêterait de façon proactive sur des événements soupçonnés au lieu d'attendre que des rapports lui parviennent, utiliserait des analyses sophistiquées de causalité bayesienne6 et veillerait (en procédant à des évaluations continues) à ce que les médecins et les patients obtiennent l'information et l'utilisent. Coûteux? Oui, mais le problème des effets désirables des médicaments est aussi coûteux et le coût se mesure non seulement en dollars, mais en vies. — *JAMC* ## References 1. 1. Kohn LT, Corrigan JM, Donaldson MS, rédacteurs. *To err is human: building a safer health system*. Committee on Quality of Health Care in America, US Institute of Medicine. Washington : National Academy Press; 2000. 2. 2. Hunter D, Bains N. Rates of adverse events among hospital admissions and day surgeries in Ontario from 1992 to 1997. JAMC 1999;160 (11): 1585-6. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6MzoiUERGIjtzOjExOiJqb3VybmFsQ29kZSI7czo0OiJjbWFqIjtzOjU6InJlc2lkIjtzOjExOiIxNjAvMTEvMTU4NSI7czo0OiJhdG9tIjtzOjIyOiIvY21hai8xNjUvMTAvMTI5NS5hdG9tIjt9czo4OiJmcmFnbWVudCI7czowOiIiO30=) 3. 3. Smalley W, Shatin D, Wysowski DK, Gurwitz J, Andrade SE, Goodman M, et al. Contraindicated use of cisapride: impact of Food and Drug Administration regulatory action. JAMA 2000; 284 (23):3036-9. [CrossRef](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=10.1001/jama.284.23.3036&link_type=DOI) [PubMed](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=11122591&link_type=MED&atom=%2Fcmaj%2F165%2F10%2F1295.atom) [Web of Science](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=000165847200029&link_type=ISI) 4. 4. Sibbald B. Cisapride, before and after: still waiting for ADR reform. JAMC 2001;165(10):1370-1. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czoxMToiMTY1LzEwLzEzNzAiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMjoiL2NtYWovMTY1LzEwLzEyOTUuYXRvbSI7fXM6ODoiZnJhZ21lbnQiO3M6MDoiIjt9) 5. 5. Buffie E, Swerhone E, réalisateurs. *Drug deals: the brave new world of prescription drugs* [film]. Toronto : Office national du film du Canada; 2001. 6. 6. Hutchinson TA. Bayesian assessment of adverse drug reactions [éditorial]. JAMC 2000;163 (11): 1463-4. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czoxMToiMTYzLzExLzE0NjMiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMjoiL2NtYWovMTY1LzEwLzEyOTUuYXRvbSI7fXM6ODoiZnJhZ21lbnQiO3M6MDoiIjt9)