Erreur et blâme : l'enquête du coroner de Winnipeg ==================================================== Erin Petkau, âgée d'à peine 4 jours, a été le douzième et dernier enfant à mourir en 1994 après avoir subi une intervention de chirurgie cardiaque à Winnipeg. Réouvert depuis 12 mois lorsque le Dr Jonah Odim en est devenu le seul chirurgien, le programme de chirurgie cardiaque pédiatrique de la province a été fermé de nouveau par le Dr Brian Postl, chef de la pédiatrie de l'Hôpital pour enfants de Winnipeg, le 21 décembre, le jour du décès d'Erin. Le programme est demeuré fermé1,2. Le juge en chef adjoint Murray Sinclair a publié le rapport minutieux de l'enquête du coroner sur les décès presque 6 ans après la mort d'Erin. Plus de 300 des 516 pages du rapport portent sur les reconstructions précises des problèmes cardiaques et des événements chirurgicaux reliés à chacun des 12 enfants. La lecture de ce document donne l'impression que le juge Sinclair façonnait un monument à la mémoire des enfants décédés et, comme il le dit si bien dans son introduction, au «symbole même de l'amour et de la vie de notre société : le cœur humain». L'opinion du public et des professionnels sur ces événements a porté avant tout sur un facteur facile à exploiter : l'inexpérience d'un chirurgien aux titres impressionnants qui n'avait toutefois pas fait ses preuves. Tout lecteur du rapport comprend cependant aussi clairement que le juge Sinclair que les décès n'étaient pas attribuables uniquement à une seule personne. Il y a eu des erreurs à tous les paliers du programme de chirurgie cardiaque — procédures d'embauche, manque de surveillance, absence de procédures de présentation de plaintes, voire même décision administrative d'établir un programme de chirurgie cardiaque à un centre dont la charge de travail était trop légère pour en assurer l'excellence. La plus simple des interventions chirurgicales pratiquées sur un cœur de la taille d'une prune comporte des milliers d'actes intégrés et séquentiels dont chacun peut être mal exécuté ou mal synchronisé. La complexité et une extrême minutie obligatoire caractérisent à peu près toutes les interventions médicales, même si les erreurs n'ont pas toujours des conséquences immédiates aussi graves. Cette complexité rend les erreurs inévitables. Comme Jan Davies le soutient dans ce numéro, la prévision constitue le premier pas à franchir dans la voie de la gestion de l'erreur4 (page 1503). Comme le signale le juge Sinclair dans son résumé, l'erreur est une réalité humaine. Le blâme aussi, pourrions-nous ajouter. Nulle personne ayant terminé ses études en médecine et sa résidence ou ayant subi une poursuite pour faute professionnelle ne peut nier que la culture de la médecine, qui est peut-être elle-même un microcosme de notre culture générale, attribue la responsabilité et le blâme à des individus. Or, il suffit d'étudier un peu les problèmes de l'erreur en médecine pour reconnaÎtre que leur prévention passe obligatoirement par leur identification ainsi qu'une enquête et une discussion franches et non punitives5. Comme dans le cas d'autres activités complexes comme l'aéronautique, l'identification de l'erreur doit être active et non passive, et elle doit porter avant tout non seulement sur les événements catastrophiques, mais aussi sur les quasi-erreurs qui auraient pu être catastrophiques mais ne l'ont pas été. Il est toujours plus facile de trouver un bouc émissaire que de changer la culture d'un milieu de travail. Il faut toutefois trouver les ressources nécessaires et prendre la décision personnelle d'examiner systématiquement nos activités, autant en prospective qu'en rétrospective, tout en s'attendant à ce qu'il y ait des erreurs et en élaborant des moyens de les prévenir sans blâmer personne. — *JAMC* ## References 1. 1. Sibbald B. Winnipeg inquest recommendation could leave young MDs in lurch, expert warns. JAMC 2001;164(3):393. Disponible : [www.cma.ca/cmaj/vol-164/issue-3/0393a.htm](http://www.cma.ca/cmaj/vol-164/issue-3/0393a.htm) [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czoxMToiMTY0LzMvMzkzLWEiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMjoiL2NtYWovMTY1LzExLzE0NjMuYXRvbSI7fXM6ODoiZnJhZ21lbnQiO3M6MDoiIjt9) 2. 2. Sibbald B. Twelve deaths in Winnipeg: judge must ponder 48 000 pages of inquest testimony. JAMC 1998;159(10):1285-7. Disponible : www .cma .ca /cmaj /vol-159/issue-10/1285.htm [Abstract/FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiQUJTVCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czoxMToiMTU5LzEwLzEyODUiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMjoiL2NtYWovMTY1LzExLzE0NjMuYXRvbSI7fXM6ODoiZnJhZ21lbnQiO3M6MDoiIjt9) 3. 3. Sinclair CM. *The report of the Manitoba pediatric inquest: an inquiry into twelve deaths at the Winnipeg Health Sciences Centre in 1994*. Winnipeg : Cour provinciale du Manitoba; 2000. 4. 4. Davies JM. Painful inquiries: lessons from Winnipeg [éditorial]. JAMC 2001;165(11):1503-4. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czoxMToiMTY1LzExLzE1MDMiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMjoiL2NtYWovMTY1LzExLzE0NjMuYXRvbSI7fXM6ODoiZnJhZ21lbnQiO3M6MDoiIjt9) 5. 5. De Leval MR, Francois K, Bull C, Brawn W, Spiegelhalter D. Analysis of a cluster of surgical failures. Application to a series of neonatal arterial switch operations. J Thorac Cardiovasc Surg 1994; 107 (3):914-24. [PubMed](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=8127123&link_type=MED&atom=%2Fcmaj%2F165%2F11%2F1463.atom) [Web of Science](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=A1994NA89800031&link_type=ISI)