La réduction des dommages : refermer l'écart ============================================== Pourquoi les programmes de réduction des dommages sont-ils difficiles à faire accepter? Peut-être parce qu'ils donnent l'impression de tolérer des phénomènes sociaux indésirables vus comme dangereux ou résultant de la turpitude morale, selon le point de vue de l'intéressé. Qu'il s'agisse de la distribution de condoms dans les toilettes des écoles secondaires ou de l'entretien à la méthadone, pour beaucoup de gens, la réduction des dommages représente une capitulation devant des maux de la société que nous devrions extirper. Comme dans le cas de la sexualité des adolescents, le chat est sorti du sac. Les chances de faire battre les toxicomanies en retraite sont minces. Environ 100 000 Canadiens s'injectent de la cocaïne et de l'héroïne. Plus du tiers des nouveaux cas d'infection par le VIH et plus de 60 % des nouveaux cas d'hépatite C sont causés par la consommation de drogues injectées1. Comme Anita Palepu et ses collègues l'indiquent dans le présent numéro (page 415)2, les visites à l'urgence attribuables à des complications évitables causées par les drogues injectées sont courantes. En Colombie-Britannique, la surdose est la principale cause de mortalité chez les 30 à 49 ans. Réduire les dommages, ce n'est pas battre en retraite. C'est le seul moyen de rencontrer les toxicomanes maintenant, dans un contexte qui peut inclure, outre une toxicomanie chimique qui dévore tout, la pauvreté, le manque d'éducation, le chômage, des antécédents de violence et une famille dysfonctionnelle. Jusqu'à maintenant au Canada, ce terrain de rencontre est constitué d'activités de communication et d'éducation, d'entretien à la méthadone et d'échange d'aiguilles. Les programmes d'entretien à la méthadone, qui constituent à peu près le seul traitement efficace contre l'héroïnomanie3, sont sporadiques seulement, surtout parce qu'on s'y oppose sur le plan idéologique. De même, les programmes d'échange d'aiguilles ont connu un succès limité. Comme Evan Wood et ses collègues l'indiquent (page 405)4, en dépit de programmes d'échange d'aiguilles dans le secteur est du centre-ville de Vancouver, le pourcentage des consommateurs de drogues injectées qui partagent des aiguilles demeure élevé. Face à la crise de la toxicomanie de plus en plus grave dans beaucoup de localités du Canada, un groupe de travail fédéral a préconisé la création de centres d'injection supervisée, surtout dans les grandes villes1. Ces installations constitueraient un environnement contrôlé où les toxicomanes pourraient obtenir des aiguilles stériles, de la naloxone au besoin, des vaccins, des soins médicaux, des services sociaux et, avantage qui n'est pas le moindre, où l'on pourrait les encourager à entreprendre un programme de réadaptation. Il existe des centres d'injection plus sécuritaire dans une dizaine de villes d'Europe. Au Canada, on peut prévoir des objections à une participation aussi active qui consisterait à appuyer l'injection de drogues plutôt que de se contenter de donner des conseils — ou de lancer des reproches. Il se produit un changement symbolique en l'occurrence : l'écart moral entre le toxicomane et le travailleur en hygiène publique commence à se refermer. L'injection de drogues, activité qui n'a aucune légitimité sociale et, par conséquent, aucun espace public, devient une activité sanctionnée publiquement qui se déroule dans un lieu subventionné. Il faudra du sang-froid pour concrétiser cette idée. Nous devrons faire face à la gravité du problème de toxicomanie que connaissent des communautés du Canada. Il n'y a pas de solution rapide, que ce soit aux toxicomanies, à leurs facteurs de risque ou à leurs répercussions. Nous pouvons toutefois améliorer un peu la vie des toxicomanes et rendre les quartiers un peu plus sécuritaires. Les centres d'injection supervisée constituent une étape logique qui conjugue les avantages du réalisme à ceux de la compassion. — *JAMC* ## References 1. 1. Advisory Committee on Public Health. Reducing the harm associated with injection drug use in Canada [working document]. Ottawa: The Committee; 2001 Feb. 2. 2. Palepu A, Tyndall MW, Leon H, Muller J, O'Shaughnessy MV, Schechter MT, et al. Hospital utilization and costs in a cohort of injection drug users. JAMC 2001;165(4):415-20. [Abstract/FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiQUJTVCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czo5OiIxNjUvNC80MTUiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMDoiL2NtYWovMTY1LzQvMzkxLmF0b20iO31zOjg6ImZyYWdtZW50IjtzOjA6IiI7fQ==) 3. 3. Connor PG, Fiellin DA. Pharmacologic treatment of heroin-dependent patients. Ann Intern Med 2000;133(1):40-54. [CrossRef](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=10.7326/0003-4819-133-1-200007040-00008&link_type=DOI) [PubMed](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=10877739&link_type=MED&atom=%2Fcmaj%2F165%2F4%2F391.atom) [Web of Science](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=000087923100006&link_type=ISI) 4. 4. Wood E, Tyndall MW, Spittal PM, Li K, Kerr T, Hogg RS, et al. Unsafe injection practices in a cohort of injection drug users in Vancouver: Could safer injecting rooms help? JAMC 2001;165(4):405-10. [Abstract/FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiQUJTVCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czo5OiIxNjUvNC80MDUiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMDoiL2NtYWovMTY1LzQvMzkxLmF0b20iO31zOjg6ImZyYWdtZW50IjtzOjA6IiI7fQ==)