Les armes de construction massive ============================================= L'an dernier, en rédigeant l'éditorial pour notre numéro des Fêtes1, nous nous demandions où nous mèneraient les événements du 11 septembre. Douze mois plus tard, nous nous demandons si nous sommes au bord de la guerre. Frustrée par un ennemi amorphe, la campagne contre la terreur vise la cible renforcée que constitue l'Irak. Nous ne sommes pas en mesure de contester les renseignements de sécurité ou d'évaluer la pression exercée par les intérêts financiers sur les objectifs de changement de régime et de désarmement, mais le coût humain de la guerre ne se prête à aucun argument2. On a dit que la Guerre du Golfe en 1991 avait fait jusqu'à 86 000 victimes civiles3, chiffre qui ne tient pas compte des effets sur la santé de la dégradation massive de l'environnement en Irak et au Koweït. Ces statistiques n'incluent pas non plus l'impact de l'agression plus indirecte que constituent les sanctions. Un collaborateur britannique de l'Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire estime qu'une guerre «classique» menée contre l'Irak fera au total entre 48 000 et 261 000 victimes3. Si l'on utilise des armes chimiques, biologiques ou nucléaires, le nombre des victimes grimpera de façon exponentielle et le coût environnemental sera incalculable. Ironiquement, la résolution des Nations Unies autorisant la guerre contre l'Irak en cas d'échec des inspections a été approuvée à peine un mois après que l'OMS a lancé une campagne de lutte contre toutes les formes de violence en publiant un rapport qui décrit notamment les facteurs de risque de la «violence collective», y compris l'injustice sociale (dans la santé et l'éducation, notamment), le recul de l'économie, la gouvernance répressive et la détérioration des services publics4. On ne saurait trop insister sur la violence que Saddam Hussein a infligée à son propre peuple. Le «changement de régime» ne suffira toutefois pas pour faire disparaÎtre les risques pour la santé et le mieux-être qui frappent la population de l'Irak, et encore moins pour rétablir une économie dont le produit intérieur brut a dégringolé de 66 milliards de dollars en 1989 à 245 millions en 19923. Tout plan tactique doit prévoir la reconstruction. Pour les tristes raisons que nous connaissons tous, la politique étrangère de l'Ouest visait avant tout des questions de sécurité nationale au cours de l'année écoulée, ce qui a détourné l'attention des facteurs de risque de la violence collective. Même si le président Bush des États-Unis s'est engagé, dans le contexte du projet de développement du millénaire, à lutter contre la pauvreté, la maladie et la dégradation de l'environnement, les États-Unis ratent l'objectif de 60 milliards de dollars par année pendant que leurs dépenses militaires annuelles augmentent à peu près du même montant5. Au Canada, autant les intellectuels que les conseillers militaires nous exhortent à augmenter notre capacité militaire afin d'avoir plus d'influence sur la scène internationale. Que dire alors de notre capacité d'influencer l'aide internationale, alors que notre contribution s'établit à environ 0,25 % du PNB, ce qui est loin d'être impressionnant? L'activité mortelle que constitue la gestion du risque militaire ne doit pas nous faire perdre notre maÎtrise des outils de la paix : l'eau, les aliments, les soins de santé, l'éducation et le développement économique. Comme l'a déclaré le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan : «Dans le monde d'aujourd'hui, les véritables frontières ne séparent pas les nations, mais les forts et les faibles, les privilégiés et les humiliés, les hommes libres et ceux qui vivent dans les fers. Aucun mur ne peut empêcher une catastrophe humanitaire ou des violations systématiques des droits de l'homme dans un pays de mettre en péril la sécurité nationale d'autres pays situés aux antipodes6.» — *JAMC* ## References 1. 1. Chronosignatures : 9/11 et 1911 [éditorial]. JAMC 2001;165(12):1575. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czoxMToiMTY1LzEyLzE1NzUiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMjoiL2NtYWovMTY3LzEyLzEzMTkuYXRvbSI7fXM6ODoiZnJhZ21lbnQiO3M6MDoiIjt9) 2. 2. Murray CJL, King G, Lopez AD, Tomijima N, Krug EG. Armed conflict as a public health problem, *BMJ* 2002:324:346-9. 3. 3. Salvage J. Collateral damage: the health and environmental costs of war on Iraq. Londres: Medact; 2002. Disponible à l'adresse : www .medact.org (consulté le 15 novembre 2002). 4. 4. Organisation mondiale de la santé. *World report on violence and health.* Disponible à l'adresse : www5 .who.int/violence\_injury\_prevention/main.cfm?p=0000000682 (consulté le 15 novembre 2002). 5. 5. Sachs J. Weapons of mass salvation. Economist 2002;26 octobre:71-2. 6. 6. Conférence K. Annan. Prix Nobel. Oslo : le 10 décembre 2001. Disponible : [http://www.un.org/News/fr-press/docs/2001/SGSM8071.doc.htm](http://www.un.org/News/fr-press/docs/2001/SGSM8071.doc.htm) (consulté le 15 novembre 2002).