L'Agence canadienne de la santé publique : muselée? ===================================================== * © 2004 Canadian Medical Association or its licensors Le Journal a demandé à maintes reprises au gouvernement fédéral de faire preuve de leadership en matière de santé publique1, afin de nous guider lorsque surviennent des crises comme celles de l'encéphalite spongiforme bovine2, de Walkerton3 et du SRAS4,5 et pour garantir les éléments fondamentaux de la protection de la santé, y compris une surveillance nationale et une stratégie nationale d'immunisation6. Nous ne sommes par les seuls à avoir préconisé la création d'une agence nationale de la santé publique. Aucun besoin n'est plus évident et plus urgent que celui d'une entité nationale indépendante des politiciens et des fonctionnaires, et vouée uniquement à protéger et à améliorer la santé de la population. Une agence qui dirigera au lieu de suivre. À la barre du changement, Carolyn Bennett, ministre d'État à la Santé publique, est chargée «d'établir un système de santé publique adapté»7. Or, quelques jours à peine avant le budget fédéral, nous apprenons que la ministre attend des commentaires au sujet d'un document de travail8 qui ne peut avoir été rédigé que par de hauts fonctionnaires ayant une idée timorée et vague de ce qu'est la santé publique et visant avant tout à «amorcer un dialogue sur les enjeux de la santé publique» et à garder fermement le contrôle de la nouvelle agence. On nous apprend que «l'agence (…) relèverait du portefeuille de Santé Canada». Quand même. Compte tenu des éclosions généralisées d'agents pathogènes connus et comme de nouveaux nous arrivent maintenant presque tous les mois en provenance du monde entier, nous n'avons pas besoin des tergiversations d'une autre sous-entité fédérale d'un autre sous-ministère relevant d'un collaborateur éloigné d'un sous-ministre. Nous avons besoin de leadership. D'indépendance. D'une agence dotée de ressources financières suffisantes, dirigée par un médecin-hygiéniste en chef capable de rendre compte directement au public sans les filtres imposés par les fonctionnaires et les agents de communications. Pour être efficace, la santé publique doit dégager un consensus entre des institutions publiques (et privées) souvent rivales, y compris le gouvernement. Comme l'épidémie de SRAS à Toronto nous l'a appris, la collaboration entre les organismes de santé fédéraux, provinciaux et locaux n'est pas automatique9. Un consensus public fondé sur une compréhension cohérente des faits est toutefois tout aussi important10. Il est impossible de dégager ce consensus de plus grande envergure au cours de séances fédérales–provinciales interminables de beignes et café tenues dans des salles de réunion d'hôtels, comme Santé Canada et les provinces essaient de le faire depuis des décennies, sans succès et avec des résultats tragiques. Les urgences qui se succèdent rapidement dans le domaine de la santé publique ont convaincu la population qu'elle est mal protégée et qu'elle vit et travaille dans des environnements où les risques doivent être surveillés. Les politiciens ont compris eux aussi. La ministre Bennett a bien défini le but et le gouvernement a pris un engagement public à cet égard dans le discours du Trône. Les politiciens provinciaux acceptent aussi la création d'une nouvelle agence fédérale. En dépit de tout cela, les ministres de la Santé à Ottawa et leurs homologues provinciaux risquent de sous-estimer l'inertie enracinée dans leur propre administration. L'Ontario, par exemple, a tenté récemment de soutenir son système de santé publique parfois défaillant en nommant la très compétente Dr Sheela Basrur pour remplacer l'ancien médecin-hygiéniste en chef. Le premier ministre de la province, M. McGuinty, l'a judicieusement placée à un échelon plus élevé que son prédécesseur — elle relève directement du ministre de la Santé et des Soins de longue durée. Le Dr Basrur demeure toutefois limitée par les ressources qu'on lui a accordées (et qui, pour une population de 11,4 millions d'habitants, ne dépassent guère celles d'une petite beignerie). La ministre Bennett et ses collègues du Cabinet doivent se secouer de l'inertie de la fonction publique et des documents de travail, et prendre les mesures audacieuses nécessaires pour créer une agence nationale de la santé publique véritablement indépendante. Le médecin-hygiéniste en chef à nommer doit être crédible. Et le budget, qui sera révélé sous peu, doit apporter rapidement à l'agence le milliard de dollars dont elle devrait avoir besoin pour faire le travail9. — *JAMC* ## References 1. 1. Une agence canadienne de la santé publique : sinon maintenant, quand? [éditorial]. JAMC 2003;169(8):743. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czo5OiIxNjkvOC83NDMiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMToiL2NtYWovMTcwLzgvMTE5OS5hdG9tIjt9czo4OiJmcmFnbWVudCI7czowOiIiO30=) 2. 2. De la nounoucratie à la divulgation le rapport de l'enquête sur l'ESB [éditorial]. JAMC 2001;164(2):167. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czo5OiIxNjQvMi8xNjciO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMToiL2NtYWovMTcwLzgvMTE5OS5hdG9tIjt9czo4OiJmcmFnbWVudCI7czowOiIiO30=) 3. 3. La santé publique sur la corde raide [éditorial]. JAMC 2002;166(10):1247. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czoxMToiMTY2LzEwLzEyNDciO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMToiL2NtYWovMTcwLzgvMTE5OS5hdG9tIjt9czo4OiJmcmFnbWVudCI7czowOiIiO30=) 4. 4. Leçons tirées du SRAS [éditorial]. JAMC 2003;168(11):1383. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czoxMToiMTY4LzExLzEzODMiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMToiL2NtYWovMTcwLzgvMTE5OS5hdG9tIjt9czo4OiJmcmFnbWVudCI7czowOiIiO30=) 5. 5. Le lutte pour confiner le SRAS [éditorial]. JAMC 2003;168(10):1231. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czoxMToiMTY4LzEwLzEyMzEiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMToiL2NtYWovMTcwLzgvMTE5OS5hdG9tIjt9czo4OiJmcmFnbWVudCI7czowOiIiO30=) 6. 6. Une politique disparate : la vaccination au Canada [éditorial]. JAMC 2003;168(5):535. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czo5OiIxNjgvNS81MzUiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMToiL2NtYWovMTcwLzgvMTE5OS5hdG9tIjt9czo4OiJmcmFnbWVudCI7czowOiIiO30=) 7. 7. Débats de la Chambre des communes du Canada (Hansard). Discours du Trône. 37e législature, 3 session, 2004, vol. 139, no 001. 8. 8. Bennett C. Renforcer le système de santé publique pancanadien [document de travail]. Ottawa : Santé Canada; 2004. Disponible : [www.hc-sc.gc.ca/francais/asp/renforcer.html](http://www.hc-sc.gc.ca/francais/asp/renforcer.html) (mis à jour le 27 février 2004; consulté le 15 mars 2004). 9. 9. Comité consultatif national sur le SRAS et la santé publique. Leçons de la crise du SRAS : renouvellement de la santé publique au Canada. Ottawa : Santé Canada; 2003. No H21-220/2003F au catalogue. Disponible : [www.hc-sc.gc.ca/francais/protection/mises\_garde/sras/le](http://www.hc-sc.gc.ca/francais/protection/mises_garde/sras/le)çons.html (consulté le 15 mars 2004). 10. 10. Santé publique, persuasion publique [éditorial]. CMAJ 2000;162(7):963.