La médecine à deux vitesses en deux temps =========================================== * © 2004 Canadian Medical Association or its licensors **1954** Médecin : «Votre fils a besoin d'une appendicectomie. Vous avez 100 $»? **2004** Médecin : «Oui, l'IRM détecte les cancers du sein à un stade plus précoce que la mammographie, mais elle n'est pas couverte par l'assurance-maladie». Patiente : «Pas de problème — je vais payer». Médecin : «Désolé, impossible, même si vous en avez les moyens». En attendant sa réunion fortement médiatisée avec les premiers ministres provinciaux et territoriaux, le premier ministre Martin a annoncé une injection de 13 milliards de dollars de plus dans les soins de santé afin d'essayer «de redonner aux Canadiens un sentiment de confiance dans nos soins de santé publics1». Treize milliards de dollars de plus (en cinq ans) réussiront-ils toutefois à rétablir la confiance dans un système national de soins de santé auquel il manque déjà 100 milliards de dollars pour que l'on puisse dépenser autant que les États-Unis par habitant? Nous entendons parler de Canadiens qui se sont rendus aux États-Unis pour un dépistage du cancer du poumon avec métastases (par caméra à positrons et radiothérapie ciblée), qui ont payé pour soumettre leur nouveau-né à des tests génétiques de dépistage de multiples maladies congénitales, qui ont dépensé des centaines de milliers de dollars pour un traitement à l'interféron B en espérant ralentir l'évolution de la sclérose en plaques ou qui ont payé des examens d'imagerie coûteux dans des cliniques privées. Le secteur privé paie environ 30 % du total des dépenses de santé au Canada. En réalité, nous avons déjà un système de santé à deux vitesses au Canada. Les partisans de l'assurance-maladie universelle affirment que la première vitesse — celle des services assurés de base — inclut la totalité ou presque des interventions de diagnostic et des traitements médicalement nécessaires, tandis que les services du second palier — payés directement par les intéressés — ont presque tous une valeur minime. Pour tenir sa promesse, M. Martin devra faire plus qu'offrir du financement supplémentaire, qui ne suffira jamais de toute façon. Il devra convaincre le public que les services médicaux et diagnostiques non disponibles au Canada sont banals ou sans aucune importance — que la recherche de ces soins n'est qu'une folie de la part des nantis ou une tentative désespérée de patients gravement malades qui cherchent à repousser inévitable. Pas facile. Ou bien, il devra convaincre les Canadiens, en particulier ceux qui ne sont pas pauvres, que l'équité est plus importante que l'efficacité et que quelles que soient les possibilités auxquelles ils ont accès dans le domaine des soins de santé, les nantis doivent renoncer à celles que l'État n'a pas les moyens de payer pour tous. Difficile, mais pas impossible. Ou bien encore, il devra admettre que nous avons au Canada un système de santé à deux vitesses : le panier public de services qui répond à des normes d'efficacité préétablies (actuellement environ 50 000 $ par année de vie pondérée en fonction de la qualité)2 et un panier supplémentaire privé pour ceux qui ont les moyens d'acheter d'autres services. Les soins de santé réalité. Nous préconisons la troisième option. Afin de maintenir le panier de services assurés, nous devrons évaluer attentivement (et rapidement) de nouvelles interventions et poser un jugement sur leur efficacité, même et le plus souvent en l'absence de données probantes concrètes découlant d'études randomisées. Pour financer ces ajouts au panier de services publics, tout en maintenant les dépenses de santé à un niveau raisonnable des dépenses nationales et provinciales, nous devons appliquer simultanément les mêmes méthodes à l'évaluation du contenu du panier en question et commencer à désassurer certains services. L'Office canadien de coordination de l'évaluation des technologies de la santé doit jouer un rôle de premier plan en l'occurrence, mais il devra être plus rigoureux, agir plus rapidement et, avant tout, intégrer dans le processus la consultation publique et la divulgation de ses activités. L'équité est une valeur sociale tout comme, en fin de compte, l'efficacité. Il faut toutefois plus que ces changements de l'évaluation des services couverts. Un débat public et une discussion franche entre nos politiciens s'imposent. Un débat non pas sur le montant qu'il est possible de consacrer au problème, mais plutôt sur l'importance de l'équité, ainsi que sur les nuances et les limites de l'efficacité. La mise au point continue de nouvelles interventions de diagnostic et de nouveaux traitements (dont beaucoup sont issus de la «génomification» de la médecine) mettront à l'épreuve notre détermination actuelle de maintenir l'équité. Nous devrons reconnaÎtre que certains — ceux qui ont de l'argent — pourront acheter des services supplémentaires et il faudra le leur permettre. Nous devrons toutefois faire passer l'équité un peu avant l'efficacité. Pour y parvenir ailleurs que sur le champ de bataille fastidieux des belles paroles politiques et économiques, nous aurons besoin d'un échange continu d'information sur les avantages et les coûts, ainsi que d'une discussion ouverte et continue sur la définition du panier de services publics. — JAMC ## References 1. 1. Laghi B. Dosanjh emphasizes accountability. *The Globe and Mail* [Toronto] 22 juillet 2004;Sect A:4. 2. 2. Laupacis A, Feeny D, Detsky AS, Tugwell PX. How attractive does a new technology have to be to warrant adoption and utilization? Tentative guidelines for using clinical and economic evaluations. JAMC 1992;146(4):473-81. [Abstract](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiQUJTVCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czo5OiIxNDYvNC80NzMiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMDoiL2NtYWovMTcxLzYvNTQzLmF0b20iO31zOjg6ImZyYWdtZW50IjtzOjA6IiI7fQ==)