Les dépenses en médicaments d'ordonnance : hors de contrôle? =============================================================== * © 2005 CMA Media Inc. or its licensors Les sociétés occidentales consacrent beaucoup d'argent aux médicaments d'ordonnance. Selon l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), les coûts des médicaments d'ordonnance ont atteint 18 milliards de dollars au Canada l'année dernière. (Les médecins ont coûté 17 milliards et les hôpitaux, 40 milliards1.) Les Canadiens paient 562 $ par habitant par année pour les médicaments d'ordonnance, total qui n'inclut pas les médicaments dispensés à l'hôpital, ce qui représente encore un autre 1,3 milliard ou plus. Les coûts des médicaments d'ordonnance augmentent de 9 % par année : c'est beaucoup plus que le taux d'inflation (voir page 1279).2 Seuls les États-Unis et la France dépassent le Canada par le total des dépenses en médicaments par habitant. Si l'on suppose que les prix des médicaments s'équivalent, les médecins du Canada prescrivent presque deux fois plus de médicaments par personne que leurs collègues du Danemark et des Pays-Bas1. Dans ce numéro, Steve Morgan place dans une perspective historique cette récente flambée des dépenses en médicaments (voir page 1323)3. Les auteurs du rapport attribuent une partie de l'augmentation des dépenses au remplacement de vieux médicaments moins coûteux, dont le brevet est expiré, par de nouveaux médicaments plus coûteux, et une autre partie à la hausse de l'utilisation. Ces causes approximatives cachent toutefois d'autres raisons plus complexes liées à notre régime de financement de la recherche sur les médicaments. En deux mots, au Canada comme dans d'autres pays occidentaux, la responsabilité de la recherche pharmaceutique incombe presque entièrement au secteur privé qui investit littéralement des milliards de dollars dans le développement de nouveaux médicaments; ceux-ci, une fois approuvés, sont commercialisés agressivement auprès des médecins. L'achat des médicaments en question par les patients, que ce soit directement ou indirectement par l'intermédiaire des systèmes de santé ou des régimes d'assurance-médicaments, rembourse cet investissement à l'industrie et produit un bénéfice acceptable pour les actionnaires. Compte tenu du motif de rentabilité qui sous-tend la mise au point de médicaments et la recherche, il ne faudrait pas s'étonner que l'on «préfère» de nouveaux produits pharmaceutiques brevetés aux médicaments génériques plus anciens et que l'utilisation des médicaments augmente à un rythme qui dépasse malheureusement parfois les avantages qu'offre l'utilisation accrue. Il ne faut pas nous attendre non plus à un ralentissement de la recherche pharmaceutique — ni le souhaiter. Nous avons tous à gagner de nouvelles percées pharmaceutiques. Or, même si la «génomification» des sciences de la santé humaine est sur le point de propulser encore beaucoup de nouvelles entités chimiques vers les essais cliniques, la commercialisation et les ventes qui en découlent, une grande partie de l'impulsion proviendra toujours de l'intérêt commercial qui entraÎne de dangereuses tendances à la recherche biaisée et aux arguments de vente. Comme beaucoup d'autres intéressés et nous-mêmes l'avons signalé, les essais cliniques conçus pour obtenir l'approbation des organismes de réglementation sont uniquement tenus de démontrer l'efficacité par rapport au placebo (et non par rapport à des médicaments génériques existants). Pour la détection des préjudices, on s'en remet en grande partie à une recherche postcommercialisation à peu près inexistante et à un système de déclaration des effets indésirables des médicaments à la pièce et qui manque naturellement de fiabilité4. Là encore, il ne faut pas s'étonner qu'un système de mise au point et d'approbation de médicaments reposant sur des intérêts commerciaux fonctionne de la sorte. On pourrait toutefois lire ce qui suit entre les lignes du rapport des ICIS : on impose aux patients le fardeau des coûts de mise au point des médicaments en leur faisant prendre des médicaments qui, au moins une partie du temps, n'offrent pas tous les avantages annoncés et pour lesquels il existe dans nombre de cas un substitut générique meilleur marché et tout aussi efficace — et qui a de plus l'avantage d'être commercialisé depuis plus longtemps ou au sujet duquel l'expérience clinique est plus abondante et qui est ainsi moins susceptible de produire des effets indésirables sérieux inconnus. Les exemples ne manquent pas. En voici deux récents et très clairs : la commercialisation exubérante des inhibiteurs COX-2 et la découverte subséquente que leurs effets indésirables peuvent mettre la vie en danger; les résultats d'essais cliniques qui s'accumulent et démontrent que certains médicaments ayant fait l'objet d'une commercialisation poussée contre la maladie d'Alzheimer sont d'une efficacité douteuse5. Les solutions de rechange? Comme société qui a choisi de confier la recherche pharmaceutique au secteur privé, notre seule solution de repli consiste à contrôler plus rigoureusement la commercialisation des produits qui font leur apparition. Lorsque l'on crée un composé vraiment nouveau qui pourrait contrer une maladie grave ou améliorer considérablement l'état des personnes atteintes (certains des médicaments contre le VIH en sont de bons exemples), il faudra alors faire avancer rapidement le processus d'approbation, accorder au composé une approbation temporaire d'une durée limitée et le soumettre à d'autres évaluations cliniques d'efficacité et d'innocuité dans des situations réelles. Il faudrait à ce stade comparer le produit en cause à d'autres médicaments existants et non à des placebos. Il faudrait approuver la deuxième vague de médicaments d'imitation (dérivés chimiques de la découverte originale) seulement après qu'ils ont fait l'objet d'essais cliniques poussés au cours desquels on les compare à des médicaments existants. Il n'est pas seulement inutile de se précipiter pour utiliser ces imitations : c'est aussi terriblement coûteux. — *JAMC* ## References 1. 1. Institut canadien d'information sur la santé. *Dépenses en médicaments au Canada, 1985 à 2004.* Ottawa : l'Institut; 2005. 2. 2. Eggertson E. Canadians spending more on drugs. JAMC 2005;172(10):1279. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czoxMToiMTcyLzEwLzEyNzkiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMjoiL2NtYWovMTcyLzEwLzEyNjMuYXRvbSI7fXM6ODoiZnJhZ21lbnQiO3M6MDoiIjt9) 3. 3. Morgan S. Canadian prescription drug costs surpass $18 billion. JAMC 2005; 172(10):1323-4. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czoxMToiMTcyLzEwLzEzMjMiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMjoiL2NtYWovMTcyLzEwLzEyNjMuYXRvbSI7fXM6ODoiZnJhZ21lbnQiO3M6MDoiIjt9) 4. 4. We need Romanow's National Drug Agency [editorial]. JAMC 2003; 168(3):249. [FREE Full Text](http://www.cmaj.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czo5OiIxNjgvMy8yNDkiO3M6NDoiYXRvbSI7czoyMjoiL2NtYWovMTcyLzEwLzEyNjMuYXRvbSI7fXM6ODoiZnJhZ21lbnQiO3M6MDoiIjt9) 5. 5. National Institute for Clinical Excellence (UK). *Appraisal Consultation Document: Alzheimer's disease — donepezil, rivastigmine, galantamine and memantine (review).* Disponible : [www.nice.org.uk/page.aspx?o=245909](http://www.nice.org.uk/page.aspx?o=245909) (consulté le 18 avril 2005).