Passer au dossier médical électronique ======================================== * Ken Flegel, MDCM MSc * © 2008 Canadian Medical Association Depuis toujours, le dossier médical a été conservé sur papier dans le cabinet du médecin, qui en a toujours été le dépositaire. Sous ces faits très ordinaires se cachent deux concepts moins simples, celui de la propriété et celui de l'accès. On a fini par reconnaître récemment que le médecin et le patient sont copropriétaires de l'information contenue dans le dossier et que chacun a le droit d'en contrôler l'accès par des tiers, même si c'est habituellement pour des raisons différentes. Or, sous la double impulsion du besoin et de la technologie, le dossier médical est en voie de transformation, ce qui soulève de nouvelles questions de propriété et d'accès. Au début, le dossier était tout simplement un compte rendu rétrospectif de chaque rencontre entre le médecin et le patient. Au cours de la consultation subséquente, le dossier servait d'aide-mémoire. Au fil du temps, une ou plusieurs tendances finissaient par s'en dégager, sous la forme plus ou moins résumée d'un compte rendu linéaire de chaque maladie du patient. Sont venus rapidement s'ajouter des résumés des congés d'hôpital et des traitements appliqués et par la suite, des résultats de tests de laboratoire. Les associés du cabinet y ont ajouté des notes provisoires, les lettres de consultation ont commencé à arriver, suivies d'avis paramédicaux, de rapports d'assurance, et ainsi de suite. La spécialisation a ensuite entraîné la création de dossiers distincts conservés dans d'autres cabinets. Très tôt, la communication entre les dépositaires de dossiers est devenue irrégulière. On en est venu à réunir des bribes d'information un peu partout à des moments différents, sans moyen uniforme de les regrouper en un tout cohérent. On réunissait de l'information, mais en perdant des connaissances. Finalement, l'ensemble est devenu comme l'éléphant de la fable, qu'aucun aveugle n'arrive à sonder ou à décrire correctement. De toute évidence, la seule façon de rétablir la cohérence consiste à passer du dossier papier au stockage et aux liens électroniques. La qualité fondamentale du dossier électronique, c'est qu'il peut rendre toute l'information importante accessible au même endroit en même temps. Il peut être consultable. Il peut posséder une certaine intelligence algorithmique. Bien conçu, il peut être efficace, organisé et convivial. En milieu clinique, il faut aller de l'avant — on pourrait même dire qu'il est impératif de le faire, principalement pour la sécurité des patients. Un dossier électronique pourrait, par exemple, indiquer à un médecin de ne pas prescrire un médicament contre-indiqué par les antécédents du patient. À l'urgence, l'accès à l'ensemble du dossier éviterait de causer des préjudices, sans parler des pertes de temps et d'argent. Il faut alors se demander qui doit être le dépositaire du dossier et son propriétaire. Même s'il est probable que le dépositaire changera pour devenir un réseau virtuel de fournisseurs de soins, le patient devrait en demeurer propriétaire1. La propriété en l'occurrence signifie la capacité d'accorder à des tiers le privilège d'ajouter de l'information ou d'y avoir accès. Elle ne signifie pas que le patient peut modifier le dossier (on pourrait cependant prévoir un endroit où il pourrait ajouter ses commentaires). Qui sera autorisé à effectuer ou à modifier une entrée? Sommes-nous tous sur le point de devenir détenteurs de notre propre Wikipedia somatique? Et la garde de copies? Il est difficile de répondre à ces questions, mais il est loin d'être évident que la protection de notre vie privée devrait revenir par défaut à un assureur public tiers, comme c'est souvent le cas à l'heure actuelle. Outre le financement de ce système, les préoccupations au sujet de la vie privée et de l'accès semblent être au nombre des principales raisons pour lesquelles le dossier électronique n'est toujours pas répandu au Canada. Le cadre éthique et juridique est complexe et difficile, bien sûr, et les patients ont raison de craindre que leur dossier tombe entre de mauvaises mains. Comme l'a démontré un récent épisode au cours duquel on a perdu des données sur 20 millions de personnes au Royaume-Uni, les gouvernements peuvent être d'une incurie horrible à l'égard des données qui leur sont confiées. Nous croyons néanmoins, au *JAMC*, que les avantages du dossier médical électronique l'emportent clairement sur les risques. Il est devenu contreproductif sur le plan clinique de laisser les risques continuer de retarder la mise au point et l'application nécessaires de la technologie. Les maladies frappent au hasard, mais les lois sur la protection de la vie privée sont adoptées à dessein — et modifiées à dessein au besoin. Nous ne voulons pas minimiser l'importance de la protection des renseignements personnels, mais s'il est possible de dissiper la multitude de préoccupations à cet égard dans le cas des opérations bancaires électroniques, qu'est ce qui retarde le dossier médical électronique? Si nous reconnaissons que le patient demeure propriétaire du dossier et accorde les privilèges d'accès, les règles de protection de la vie privée dans le monde électronique suivront pour garantir que les dossiers de santé bénéficient de la même protection que nos opérations financières et personnelles. Le moment est peut-être venu pour le public d'écrire à ses élus pour exiger des progrès dans l'implantation du dossier médical électronique afin qu'il puisse avoir accès à un système de santé plus sécuritaire et efficace. La technologie électronique est là : tout ce qu'il nous faut, c'est la volonté électronique. ## Footnotes * Avec l'équipe de rédaction de l'éditorial (Paul C. Hébert MD MHSc, Matthew B. Stanbrook MD PhD, Barbara Sibbald BJ, Noni MacDonald MD MSc et Amir Attaran LLB DPhil). ## RÉFÉRENCE 1. 1. Chouinard A. Shall I not ask for whom the medical record is kept? JAMC 1975;112:508. [PubMed](http://www.cmaj.ca/lookup/external-ref?access_num=1111903&link_type=MED&atom=%2Fcmaj%2F178%2F5%2F533.atom)