Le point de vue de l’épouse et de la fille d’un patient atteint de délirium ================================================================================= * Andreas Laupacis [Voir la version anglaise de l’article ici: www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.230833](http://www.cmaj.ca/lookup/volpage/195/E1043); [voir l’article connexe ici: www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.230227-f](http://www.cmaj.ca/lookup/volpage/195/E1561) M. Agarwal (notre père et mari) a une démence légère. Un jour, il est soudainement devenu très silencieux, il avait de la difficulté à formuler ses pensées et ne pouvait plus mettre un pied devant l’autre. Nous avons toutes deux pensé qu’il faisait un accident vasculaire cérébral (AVC). Il est passé très rapidement au service des urgences, et on a exclu la possibilité d’un AVC. Plus tard, on a diagnostiqué une infection, mais il demeurait confus, faible et incapable de prendre soin de lui-même. Quand tous les tests pour trouver la cause de sa détérioration fonctionnelle ont été faits sans trouver de problème, il était difficile de comprendre ce qui se passait. Nous pensions qu’il allait mourir: il avait 80 ans et tout semblait cesser de fonctionner. Durant les premières semaines qu’il a passées à l’hôpital, nous ne nous souvenons pas d’avoir entendu le mot délirium qui décrit un état confusionnel aigu. Nous avons téléphoné à un ami médecin, et c’est lui qui a été le premier à utiliser ce mot. Il nous a dit que certaines personnes se remettaient et retrouvaient leur état initial, tandis que d’autres ne voyaient jamais leur état s’améliorer ou revenaient à un état différent. Cela nous a aidées à établir nos attentes. Notre ami nous a aussi dit que le processus prendrait du temps, et que les médecins étaient probablement aussi frustrés que nous. Les membres du personnel infirmier étaient vraiment bienveillants, mais ils ne connaissaient pas ses capacités antérieures. Nous avons dû répéter plus d’une fois qu’avant, il pouvait aller à la toilette seul et parler. Nous pensons que beaucoup d’entre eux ont supposé que parce qu’il avait un diagnostic de démence au dossier, son comportement à l’hôpital correspondait à son état normal. Nous avons si souvent répondu à la question « Est-ce normal pour lui? » par « Pas du tout! » Nous croyons qu’il est important pour les prestataires de soins de santé qui traitent des personnes atteintes de délirium de ne pas supposer que la personne devant eux ne peut pas être plus fonctionnelle que ce qu’ils voient. Le meilleur soutien pour une personne atteinte de délirium ressemble aux soins apportés à un bébé en apprentissage de la vie. Il faut la laisser atteindre et repousser ses limites physiques chaque jour. Pensez à l’action d’aller à la toilette. Si se mettre debout n’est pas un objectif réaliste, une couche peut être appropriée. Mais dès que possible, il faut encourager le patient à faire des pas pour retrouver son autonomie. Malheureusement, ce n’est pas facile dans notre environnement de soins de santé actuel, axé sur la sécurité et la responsabilité. Les prestataires de soins de santé ne veulent pas que des personnes tombent ou s’étouffent en mangeant. C’est compréhensible, mais pour que les patients retrouvent leur état normal, ils doivent être poussés un peu. Après environ une semaine à l’hôpital, une médecin s’est présentée à nous et nous a dit qu’elle avait vu M. Agarwal au service des urgences. Elle voulait savoir comment il se portait. Nous avons beaucoup apprécié cette excellente continuité des soins. Nous venions d’arriver à Toronto, et elle nous a aiguillés vers un gériatre qui a pu nous voir avant le congé hospitalier de M. Agarwal. C’était fantastique. Avant de retourner à la maison, M. Agarwal a été transféré dans un centre de réadaptation. L’une de nous était à l’extérieur du pays et l’autre avait la COVID-19, alors il s’est passé 10 jours sans que nous puissions le visiter. Lorsque nous avons enfin pu le voir, il jouait au Scrabble! Il nous a dit qu’une femme venait jouer au Scrabble avec lui chaque jour. Nous avons été impressionnées de voir qu’on avait pris le temps de comprendre ce qu’il aimerait faire. Le centre de réadaptation était formidable — on y employait une vraie approche d’équipe avec des ergothérapeutes, des physiothérapeutes, des orthophonistes et des médecins. — Les personnes interviewées ont souhaité garder l’anonymat. « Dans leurs propres mots » présente des extraits d’entrevues entre le personnel du *JAMC* et des patients, des familles ou des médecins. Ils ont généralement pour objectif d’offrir des points de vue complémentaires et sont liés à un article présenté dans la section Pratique. ## Footnotes * Cet article n’a pas été révisé par des pairs. * Nous avons obtenu le consentement des personnes concernées pour présenter ces points de vue. This is an Open Access article distributed in accordance with the terms of the Creative Commons Attribution (CC BY-NC-ND 4.0) licence, which permits use, distribution and reproduction in any medium, provided that the original publication is properly cited, the use is noncommercial (i.e., research or educational use), and no modifications or adaptations are made. See: [https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/](https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/)