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D'un bout à l'autre du Canada, les blessures sont les principales causes de mortalité chez les jeunes — soit les 12 à 24 ans selon l'Organisation mondiale de la santé. Même si elle se fait sans heurts pour certains, la transition vers l'âge adulte peut fourmiller de dangers. Les jeunes sont moins capables que les adultes d'évaluer le risque avec précision, ce qui les rend plus vulnérables aux traumatismes majeurs.
En 2003, 1678 jeunes âgés de 15 à 24 ans sont morts des suites d'une blessure, ce qui représente 73 % du total des décès dans ce groupe d'âge1 — un décès au Canada aux cinq heures. Les accidents de véhicule à moteur causent la majorité (environ 60 %) des blessures non intentionnelles. Il y a encore plus troublant : pour chaque jeune qui meurt des suites d'un traumatisme, plus de 10 subissent des blessures graves qui exigent souvent une intervention chirurgicale ou plus, des hospitalisations prolongées et de la réadaptation1,2. Les conséquences de traumatismes sévères, particulièrement au cerveau, sont souvent tellement dévastatrices et permanentes que la prévention constitue un bien meilleur investissement que les interventions tardives et les soins de soutien.
Le problème n'est pas nouveau : une vérification sur 10 ans (1995–2004) de la mortalité chez les jeunes de la Nouvelle-Écosse a révélé que les traumatismes (accidentels ou non) causaient 62 % du total des décès. Le problème n'est pas exclusif au Canada : les accidents de véhicule à moteur demeurent la principale cause de mortalité chez les 16 à 20 ans aux États-Unis3, en Australie, en Nouvelle-Zélande et dans la plupart des pays de l'Europe de l'Ouest.
Nous semblons tous nous être habitués à cette épidémie en santé publique. Si 32 jeunes du Canada mouraient chaque semaine d'une maladie cardiaque, de la grippe ou de la méningite, on entendrait un tollé général pour mettre fin à cette épidémie. Pourquoi donc ce silence assourdissant et cette indifférence du public à l'égard de cette épidémie?
De nombreuses études par observation au cours desquelles on a comparé les taux de traumatismes causés par les accidents de véhicule à moteur avant et après des changements majeurs des politiques publiques ont produit des preuves convaincantes sur les facteurs de risque et les changements efficaces. Une étude récente de l'American Academy of Pediatrics met en évidence des facteurs de risque comme la jeunesse des conducteurs au moment où ils obtiennent leur permis, leur inexpérience, la surestimation des habiletés, la prise de risques, le nombre de jeunes passagers, la conduite de nuit, la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool, la marihuana, les médicaments d'ordonnance ou une combinaison de ceux-ci, l'inutilisation constante de la ceinture de sécurité, des automobiles plus vieilles ou plus petites, des distractions comme le téléphone cellulaire et les conducteurs sans permis3. Les jeunes qui ont un trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention et qui conduisent sont de deux à quatre fois plus susceptibles d'être impliqués dans un accident de la circulation que d'autres jeunes3.
La stratégie la plus efficace semble être un système intégré de permis de conduire gradués à trois stades : permis d'apprenti suivi d'un stade intermédiaire ou provisoire qui débouche sur le permis de conduire ordinaire3. Outre l'obtention retardée du permis complet, des éléments efficaces comprennent des restrictions imposées quant à la conduite de nuit et au nombre de passagers, ainsi que l'obligation pour les conducteurs novices de ne pas avoir d'accident et de ne commettre aucune infraction avant de passer au niveau suivant3. On établit un lien direct entre l'augmentation de l'âge minimum de consommation d'alcool et la réduction de 17 % du nombre des accidents mortels chez les jeunes; la «tolérance zéro» de l'alcool le réduit de 24 %3. Les politiques plus rigoureuses sur le port de la ceinture de sécurité et l'application de la loi ont aussi démontré qu'elles sauvent des vies de jeunes conducteurs3.
Des changements législatifs suffiront-ils pour lutter contre cette épidémie terrible? Nous sommes d'avis que ces mesures sont essentielles mais insuffisantes. Nous avons tous une certaine responsabilité dans cette tragédie qui perdure. Les médecins doivent exercer des pressions pour qu'on adopte une législation plus complète et améliore l'application en fonction des preuves. Les médecins peuvent conseiller les parents au sujet de la valeur du contrôle de l'accès aux véhicules, de l'imposition de restrictions sur l'utilisation des véhicules et le nombre de passagers, de l'abstinence de l'alcool et du port de la ceinture de sécurité. Ils sont aussi des exemples de sécurité au volant. Les médecins, les familles, les communautés et les politiciens (et en particulier ceux des régions rurales) doivent trouver pour les jeunes des façons créatrices de socialiser qui ne les obligent pas à conduire eux-mêmes et à en conduire d'autres vers des activités et des événements. Les médecins doivent aider les jeunes qui ont un trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention et leurs parents à comprendre les risques accrus et l'importance des médicaments pour améliorer l'attention.
Les attitudes à l'égard de la conduite chez les jeunes doivent changer. Les jeunes et leurs parents doivent la percevoir non pas comme un droit, mais plutôt comme un privilège qu'il faut gagner. Il est temps de cesser de fermer les yeux sur les preuves et de commencer à s'attaquer à l'épidémie de blessures chez les jeunes.