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La saison des voyages d'hiver commence. Il vaut donc la peine de savoir que, selon les estimations, près de 2 millions de Canadiens se rendront cette année dans des pays en développement. Plus de 20 % de ces voyageurs seront des immigrants retournant dans leur pays d'origine visiter amis et parents. À l'échelle mondiale, les voyages internationaux ont augmenté de façon spectaculaire. Selon l'Organisation mondiale du tourisme (www.world-tourism.org), le nombre des voyageurs qui ont franchi les frontières internationales est passé de 457 millions en 1990 à 842 millions en 2006. Les voyageurs se rendent en outre à des destinations plus exotiques et le «bénévolotourisme» prend de l'ampleur à mesure que des gens font du bénévolat dans des orphelinats, des hôpitaux et des chantiers de construction de pays en développement afin d'aider les populations locales et d'apprendre à mieux connaître leur situation.
Des études épidémiologiques ont montré que près de 75 % des voyageurs contractent une maladie reliée à leur voyage1. De récents rapports du GeoSentinel Surveillance Network sur les maladies infectieuses émergentes ont montré que les infections gastro-intestinales, la dengue, le paludisme et la typhoïde sont d'importantes causes de morbidité chez les voyageurs à leur retour. Environ 50 % des cas importés de paludisme et 80 % des cas importés de typhoïde se produisent chez les immigrants qui se sont rendus dans leur pays d'origine, principalement en Afrique de l'Ouest et dans le sous-continent indien.
Même si le nombre de cliniques pour les voyageurs augmente au Canada, les taux de morbidité et de mortalité attribuables à des maladies évitables par des vaccins et des médicaments ont augmenté ou n'ont pas changé. Entre 1996 et 2004, le nombre de cas de typhoïde a presque doublé et celui des cas de paludisme est demeuré stable, à près de 400 cas déclarés entre 1998 et 2004. Moins de 15 % des voyageurs internationaux se rendent à une clinique pour voyageurs avant leur départ et, malheureusement, les renseignements que les praticiens des soins primaires donnent à leurs patients sont souvent inexacts.
Les voyageurs qui présentent le risque le plus élevé de maladie — soit les immigrants qui visitent leur pays d'origine et les étudiants — sont les moins susceptibles de demander des conseils sur la santé avant de partir. Pourquoi? En un mot, à cause du coût. Les membres de ces 2 groupes ne peuvent payer les coûts importants de la consultation, des vaccins et des médicaments antipaludiques. Par exemple, une famille de 4 personnes qui va passer 1 mois en Afrique de l'Ouest dans une zone où sévit la fièvre jaune devrait dépenser au moins 1900 $ en vaccins seulement. En outre, les immigrants qui visitent leur pays d'origine se croient à tort immunisés contre de nombreuses infections endémiques parce qu'ils y ont été exposés auparavant. Par ailleurs, les immigrants adultes qui visitent leur pays d'origine amènent fréquemment leurs enfants nés au Canada dans une clinique pour voyageurs pour demander conseil; ils font vacciner leurs enfants avant de partir, mais acceptent pour eux-mêmes seulement les vaccins obligatoires pour franchir les frontières internationales (p. ex., vaccins contre la fièvre jaune ou la méningite à méningocoque).
Il n'y a malheureusement pas de données sur le coût des maladies reliées aux voyages pour le système de santé du Canada. Pourtant, ces coûts sont probablement importants, comme l'a démontré une étude réalisée au Royaume-Uni qui a révélé que les infections tropicales importées coûtaient environ 800 000 £ par année aux services de traitement des maladies infectieuses2. Un chercheur a calculé qu'il coûtait plus cher de traiter les cas de paludisme importés au Royaume-Uni que de fournir aux voyageurs une prophylaxie antipaludique3.
Pourquoi les régimes provinciaux de soins de santé ne couvrent-ils pas les médicaments des voyageurs? C'est une décision qu'ont prise délibérément les fonctionnaires, en collaboration avec les associations médicales provinciales, plutôt que de la laisser aux experts en politiques de santé. La justification sous-jacente semblait être qu'une personne qui a les moyens de voyager peut payer. C'est peut-être vrai pour le vacancier ou le voyageur d'affaires, mais ce n'est pas le cas pour les immigrants qui visitent leur pays d'origine, les étudiants ou les bénévoles altruistes. Les immigrants qui se rendent dans leur pays d'origine doivent habituellement visiter des membres de leur parenté malades, assister à un mariage ou à des funérailles, et amener leurs enfants nés au Canada en visite dans leur famille.
Compte tenu du fardeau important des maladies reliées aux voyages pour les Canadiens et pour notre système de santé, les gouvernements devraient en faire davantage. Si les régimes provinciaux d'assurance-maladie couvraient au moins le coût des consultations avant le voyage, cela encouragerait les voyageurs à consulter les fournisseurs informés qui pourraient en profiter non seulement pour donner des conseils et administrer les vaccins nécessaires pour le voyage, mais aussi pour mettre à jour les vaccins de routine. Il est probable que les économies découlant de la réduction des coûts des soins de santé liés aux maladies infectieuses importées compenseraient facilement les coûts des consultations avant le voyage et des vaccins peu coûteux, ainsi que de la prophylaxie antipaludique. Dans le cas des médicaments des voyageurs comme dans celui des médicaments en général et des technologies médicales, les décideurs devraient fonder leurs décisions de financement sur des évaluations économiques indépendantes d'experts plutôt que sur la conception erronée selon laquelle les médicaments des voyageurs sont un bien de luxe. Il faut la volonté politique nécessaire pour garantir que, tout comme dans d'autres contextes, on fournit des soins préventifs efficaces aux personnes qui en ont le plus besoin.
Footnotes
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Avec l'équipe de rédaction de l'éditorial (Paul C. Hébert MD MHSc, Matthew B. Stanbrook MD PhD, Barbara Sibbald BJ, Ken Flegel MDCM MSc, Noni MacDonald MD MSc et Amir Attaran LLB DPhil).