On peut pardonner aux nouveaux parents de céder aux annonces inquiétantes diffusées à la télévision nationale et dans des brochures distribuées dans les hôpitaux par quelques-unes des dizaines de banques de sang privées qui emmagasinent du sang de cordon ombilical au Canada. Qui ne voudrait pas protéger son enfant d’une maladie qui risquerait un jour de mettre sa vie en danger, même s’il faut débourser un minimum de 850 $ pour faire prélever les cellules souches de sang du cordon ombilical de son nouveauné et 100 $ par année pour les entreposer pendant la prochaine décennie?
Toutefois, la vérité est que la probabilité qu’un enfant reçoive le sang de son propre cordon sous forme de transplantation au cours des dix premières années d’entreposage est extrêmement mince 1. Dans la pratique actuelle, la plupart des transplantations de cellules souches proviennent d’un frère ou d’une sœur 2.
Au lieu de nous concentrer sur les parents inquiets, nous ferions beaucoup mieux de chercher à faire du sang de cordon ombilical un bien public. Voici dix raisons pour lesquelles le Canada doit créer une banque publique nationale de cellules souches de sang de ce cordon:
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Nous aurions tous, et en particulier nos enfants, un accès égal aux cellules souches de sang du cordon ombilical pour le traitement de la leucémie et du lymphome infantiles.
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Une grande banque publique pourrait recueillir et entreposer le sang des cordons de nouveau-nés dont les cellules souches représentent les nombreuses combinaisons de groupes HLA (antigènes des leukocytes humains). Il est indispensable de déterminer le type de ces antigènes, qui sont situés sur les tissus et leucocytes et sont des markeurs de compatibilité entre les cellules du receveur et celles d’un donneur éventuel. En effet, cette compatibilité constitue un facteur critique de réussite d’une transplantation et est particulièrement importante dans les groupes ethniques à faible population.
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La diversité ethnique du Canada continue de prendre de l’ampleur. Les unions entre personnes issues de groupes ethniques différents donnent cours à des systèmes HLA uniques. C’est pourquoi il est plus difficile pour les descendants de ces unions — par exemple, l’enfant d’une mère innue blanche et d’un père métis — de trouver des cellules souches compatibles. Et s’il est difficile d’en trouver maintenant, demandez-vous simplement si vos petits-enfants pourront trouver un sujet compatible!
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Les exigences de compatibilité HLA sont moins rigoureuses dans le cas des cellules souches provenant du sang de cordons ombilicaux que pour celles qui proviennent de la moelle osseuse. C’est pourquoi les jumelages réussissent plus fréquemment. Les cellules souches de sang du cordon se greffent mieux que celles qui proviennent de la moelle osseuse, ce qui, compte tenu du nombre de cellules souches disponibles, produit un meilleur résultat final.
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Contrairement aux prélèvements de moelle osseuse, il est possible de prélever le sang du cordon ombilical sans causer de douleur ou de préjudice à la mère ou à l’enfant, à condition que le nourrisson n’ait pas besoin de transfusion de sang à la naissance. Une banque nationale publique réduirait le temps, le coût et l’inconvénient liés au prélèvement de cellules souches chez un donneur vivant.
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La Société canadienne du sang finance et administre déjà un registre de donneurs de cellules souches de moelle osseuse. La même technologie, l’informatique et les réseaux de communication seraient faciles à adapter pour une banque publique de sang du cordon ombilical.
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Une banque publique de cellules souches de sang du cordon ombilical permettrait d’utiliser dans de nouvelles recherches prometteuses les cellules ne pouvant pas servir à la transplantation.
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Une banque canadienne pourrait être assujettie à nos propres normes de sécurité plutôt qu’à celles d’un autre pays.
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Une banque canadienne accroîtrait la probabilité de trouver un jumellage compatible à l’intérieur même du pays, ce qui réduirait considérablement le coût actuel d’importation de cellules souches, qui est de 25 000 $ USD par cordon. (Il faut habituellement les cellules d’au moins deux cordons pour une transplantation chez un adulte.) 10. En créant notre propre banque, nous participerions comme partenaire à part entière aux échanges d’idées no-vatrices et de pratiques exemplaires entre les quelque 60 banques du monde.
Le Québec a compris l’importance de cet investissement. Depuis cinq ans, la province administre avec succès, par l’intermédiaire d’Héma Québec, une banque publique volontaire 3. La Société canadienne du sang, réglementée par le fédéral mais financée par les provinces, veut faire de même 4. Cette Société est clairement capable de prélever, de déterminer le type, d’entreposer et de distribuer les produits sanguins. Elle détient aussi le savoir-faire nécessaire pour acquérir ou mettre au point les technologies de l’information nécessaires pour lui permettre de participer à des recherches dans les registres internationaux.
La Société canadienne du sang a présenté une proposition et une analyse de rentabilité aux ministères provinciaux de la Santé. Comme cette Société a un budget annuel de 950 millions de dollars comparativement aux coûts négligeables du lancement d’une banque de sang du cordon ombilical, que l’on estime être de l’ordre de 5 millions de dollars plus frais annuels d’exploitation de moins de 3 millions de dollars, l’argent ne peut être la cause de ce délai. Quel est donc le problème? Il semble que cette initiative piétine à cause de divergences d’opinions entre les provinces. On a demandé à maintes reprises à la Société canadienne du sang d’effectuer des études et des analyses sur des détails non pertinents. Les parents informés comprennent déjà que les cellules souches de sang du cordon ombilical peuvent fournir un traitement précieux contre la leucémie infantile et qu’il y a de grandes possibilités d’autres utilisations futures pour tous. Si même des pays aux ressources limitées tels la Chine, l’Argentine et le Mexique bénéficient d’une banque nationale, il est grand temps que les provinces canadiennes collaborent à la création de ce bien public.
RÉFÉRENCES
Footnotes
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Intérêts concurrents: Voir www.cmaj.ca/misc/edboard.shtml.
Traduit par le Service de traduction de l’AMC.
Publié sur www.jamc.ca le 10 juin 2009.