Voir l’article connexe ici: www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.211969-f; voir la version anglaise de l’article ici: www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.221813
J’ai commencé à souffrir de migraines en 2005. Unilatérale, ma douleur est intense et elle s’accompagne de nausées, de photophobie et de sensibilité au bruit. Les migraines durent de 8–9 jours et jusqu’à récemment, je souffrais de migraines 20 jours par mois.
Les migraines affectent toutes les facettes de ma vie et la recherche d’un traitement a été une épopée frustrante. Je détenais l’emploi de mes rêves à New York; je travaillais 12 heures par jour et voyageais beaucoup dans le cadre de mon travail. Et subitement, tout s’est détraqué. La moindre tâche domestique pouvait déclencher une crise migraineuse. Ma vie sociale a changé du tout au tout: je suis passée d’un rythme effréné à la prostration, au lit chez moi presque 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. J’ai dû renoncer à de nombreux rêves. Je suis chanceuse de ne pas souffrir en plus de problèmes de santé mentale. Je me suis rapidement obligée à rester concentrée et à apprécier chaque moment où la douleur diminuait. J’ai appris l’importance de vivre le moment présent et de m’adapter, parce que je pouvais me sentir bien et, 2 heures plus tard, souffrir atrocement.
J’accorde beaucoup d’attention à la gestion des déclencheurs et aux éléments suivants (sommeil, exercice, alimentation, carnet de suivi des migraines et stress). J’apprends aussi à doser mes efforts, parce que la fatigue causée par la migraine chronique est intense et tout effort physique devient pour moi un déclencheur. Je dois toujours mettre dans la balance mon bonheur, mon équilibre mental, et les répercussions physiques. Toutes ces restrictions font de la migraine une maladie qui isole les gens.
Ce qui est extrêmement difficile, c’est qu’un de mes déclencheurs est plutôt rare: l’allodynie tactile, thermique et mécanique. Porter un collier ou des boucles d’oreilles déclenche une migraine, tout comme l’exposition à de l’air frais, au vent ou à une brise sur mon visage. L’allodynie thermique est mon déclencheur le plus invalidant parce qu’il m’empêche pour ainsi dire de mettre le pied dehors, les conditions atmosphériques échappant à ma volonté.
Je n’ai pas eu de chance avec les spécialistes de la céphalée. Ma façon d’être n’est pas le reflet de ce que je ressens et je me suis sentie beaucoup jugée à cause de cela. Pour être efficace, je me présentais avec un fichier Excel où j’inscrivais tous mes médicaments, mes traitements et mes consultations médicales et cela a eu l’effet contraire. À plusieurs reprises, plutôt que de me percevoir comme une personne organisée et motivée, les médecins déduisaient que la douleur ne devait pas être si terrible; c’était extrêmement décourageant et dérangeant. Lorsque des médicaments n’agissaient pas, mon médecin m’en attribuait la faute. J’ai lu dans mon dossier une note qui disait: « La patiente est arrivée très bien mise », comme si je ne pouvais pas être bien mise et avoir mal. Je crois que c’est une réaction rétrograde et sexiste.
J’ai consulté 4 spécialistes de la céphalée depuis le diagnostic. J’ai souvent eu l’impression de ne pas pouvoir dire au médecin « j’entends votre point de vue, mais je ne suis pas d’accord et voici pourquoi… ». Je vis avec ce syndrome tous les jours et je devrais avoir mon mot à dire dans le traitement que je prends.
Lorsque j’ai essayé d’expliquer mon allodynie la première fois, on m’a renvoyé l’image d’une femme faible, plaignarde, hystérique. J’ai commencé à me faire accompagner à mes consultations médicales par mon mari pour qu’il puisse corroborer les symptômes, mais on ne nous croyait toujours pas (j’ai découvert plus tard qu’on m’a pensée agoraphobe, ce que je ne suis pas). Lors de ma dernière consultation, on m’a dit qu’aucun médicament n’allait m’aider, que mon état n’allait pas s’améliorer et que je devais accepter la douleur chronique dans ma vie. C’est ce qui m’a incitée à prendre en charge moi-même ma migraine.
J’ai fait des recherches et j’ai découvert que le premier inhibiteur du CGRP (calcitonin gene-related peptide), l’érénumab, allait arriver au Canada en décembre 2018. J’ai alors consulté d’autres spécialistes de la céphalée pour les convaincre de me le prescrire. Le spécialiste suivant m’a expliqué (faussement) que le médicament n’était pas vendu au Canada et que je devais y renoncer. Je savais que cela était faux. J’ai donc trouvé quelqu’un d’autre, qui a accepté de me le prescrire. Les inhibiteurs du CGRP m’ont beaucoup aidée. Si j’avais écouté le premier spécialiste, j’aurais baissé les bras. Je ne recommande pas l’autoprise en charge, mais selon ma propre expérience, c’est ce qu’il m’est arrivé de mieux.
Je crois que la profession médicale doit modifier son approche et cesser de penser que le traitement de la migraine n’a rien d’urgent sous prétexte qu’il ne s’agit que de douleur. Plus que tout, j’aurais aimé qu’on me croie. Si à un moment ou à un autre un médecin m’avait dit « Je ne vous laisserai pas tomber, essayons ensemble d’améliorer votre qualité de vie », cela aurait tout changé pour moi. Personne ne m’a dit « Je vous admire. Il faut beaucoup de courage pour supporter la douleur 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ». Qu’un médecin vous dise qu’il n’y a aucun espoir pour vous est une réponse inappropriée face à un syndrome complexe qui requiert un effort soutenu pour trouver le bon traitement. – Une personne interrogée qui a souhaité conserver l’anonymat
« Dans leurs propres mots » présente des extraits d’entrevues entre le personnel du JAMC et des patients, des familles ou des médecins. Ils ont généralement pour objectif d’offrir des points de vue complémentaires et sont liés à un article présenté dans la section Pratique.
Footnotes
Cet article n’a pas été révisé par des pairs.
Nous avons obtenu le consentement des personnes concernées pour présenter ces points de vue.
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